Monday, March 12, 2012


Dr. Marzouki : un président temporaire ou un prochain dictateur de la Tunisie ?

Arrivé en Tunisie quelques jours après la fuite de Bel Ali, la 1ère déclaration de Moncef Marzouki était de dire qu’il était venu pour se présenter aux prochaines élections présidentielles.

On se souvient bien que cette déclaration était très mal reçue par la majorité des tunisiens qui la voyaient très 
mal placée au moment où le sang des martyrs n’avait pas encore séché.

Depuis, il a été très mal accueilli à Kasserine et à La Kasba, et il a été qualifié de tous les adjectifs par ceux qui l’avait mal perçu ou encore ceux qui l’avait craint :
  • « Il n’était pas présidentiable ! » : Mauvaise posture, mauvais discours et mauvais goût pour certains. On se rappelle d’ailleurs de toutes les moqueries qui ont circulé sur le net à propos de ses lunettes qu’il a fini par changer, avec à la prime une histoire sur sa fille qui les a acheté de l’Inde parce qu’ils n’avaient pas les moyens pour se payer de neuves ! Et depuis on a bien compris que Marzouki  savait raconter des histoires !
  • « C’était avant tout au peuple tunisien de choisir son model de démocratie qui n’était pas forcément le model de présidence dans lequel les tunisiens n’avaient plus confiance » : Ce que Marzouki a d’ailleurs très vite compris en changeant sa vision vers un model semi-présidentiel.
  • « Il était haté ! » : Cette rumeur qui a beaucoup circulé était le crime impardonnable pour la majorité de tunisiens (d’ailleurs Hamma Hammami en a payé les frais). Depuis, l’actuel président n’a pas arrêté de tendre la main à Ennahdha et n’a pas râté une occasion pour rappeler son soutien aux islamistes quand ils étaient persécutés par Ben Ali. Il a omit bien sûr de dire qu’il n’était pas seul à le faire puisque le PDP, le FDTL (Takattol) et le POCT l’avait aussi fait même quand il n’était plus en Tunisie.
  • Selon Maya Jribi, il était « une mode verbale qui allait très vite disparaître » car les tunisiens n’y croiront plus. Ceci montre aussi bien la naïveté et la difficulté de l’élite politique à comprendre le peuple et à juger leurs adversaires, chose que Marzouki avait très bien utilisée en sa faveur.

Une mauvaise image à remonter et une popularité quasi-nulle :

Moncef Marouki avait quelques mois pour réussir et beaucoup d’obstacles à remonter à commencer par sa popularité quasi-nulle et son image mal perçues par beaucoup.

Il avait rassemblé sa petite troupe autour de son parti méconnu par les tunisiens, y compris ceux qui arrivaient à suivre les coulisses de l’opposition sous Ben Ali.

Il lui a même créé une histoire de militantisme doublé d’un objectif de rassemblement des forces politiques.

En bon docteur, il avait bien tâté la popularité d’Ennahdha et la difficulté qu’avait les autres partis à toucher le reste du peule, et il s’est malicieusement positionné entre les islamistes et l’extrême gauche, et on se rappelle bien de ses appels à voter soit Ennahdha, soit le POCT.

Beaucoup alors l’ont traité de naïf, mais Marzouki avait bien su que la majorité des non-convaincus par les islamistes n’iraient pas voter Ennahdha, et que le POCT était affecté tant par l’image d’athée qu’on avait volontairement attribué à Hamma Hammami tant par la mauvaise idée qu’ont les tunisiens du communisme !

Il se plaçait donc comme l’Alternative au centre de ses 2 options coupant ainsi l’herbe sous les PDP, PDM, FDTL …

La cerise sur le gâteau est que Marzouki était dès lors perçu par une large frange du peuple comme étant le politicien qui dit la vérité telle qu’elle est.

Un passé de militant, mais pas assez !

L’autre contrainte pour Marzouki était son passé de militant, car contrairement aux Islamistes il n’avait pas passé la moitié de sa vie en prison, et contrairement aux communistes, il n’avait pas été contrait à vivre et à travailler en cachette des yeux du pouvoir, et contrairement au PDP, Ettajdid et FDTL il n’était pas resté en Tunisie pour essayé d’exercer une opposition qu’il a qualifié de molle.

C’était pourtant lui qui a bâti sa campagne sur l’ancien militantisme des uns et des autres, en épargnant les islamistes et les communistes, et en disant que les autres n’avaient pas été forcés à la faim tant en Tunisie qu’en France.

Il a aussi rappelé ses positions intransigeantes face au régime de Ben Ali quand il était invité aux plateaux télé en France où à Al Jazeera. Il était aussi le seul qui a misé sur soulèvement des peuples arabes, et il faut reconnaître au docteur qu’il fait mieux le bilan politique que tous ses adversaires.

Enfin, il n’a pas raté une occasion pour rappeler que la triste célèbre police politique exerçait toujours après la révolution et qu’il fallait l’éradiquer. Chose qu’il n’a pas fait en tant que président !

Un parti pauvre boudé par les capitaux !

La dernière contrainte de taille était l’argent. Son parti était pauvre et les quelques hommes d’affaires opportunistes se sont rués sur les 2 grands partis historiques : Ennahdha et PDP.

Marzouki avait bien transformé ceci en force, puisque sa campagne était aussi bâtie sur l’intolérance vis-à-vis le financement politique des partis et des pratiques que faisaient ces partis en distribuant des cadeaux sur le peuple.

Il a pourtant bien ménagé Ennahdha (parce qu’il n’avait pas de preuves disait-il ; comme si il en avait sur les autres), et on a bien découvert après les élections qu’il avait bien accepté la générosité d’un riche mécène dont la fille fait partie de son staff à la présidence.

Président ! Et après ?!

Pourtant Dr. Marzouki a bien tenu sa promesse : Il est président grâce à la générosité des vainqueurs, mais grâce aussi à son intelligence et à sa stratégie qui l’ont classé 2ème au scrutin.

Aujourd’hui, en tant que président, il cultive à l’étranger son image de président modeste et militant pour les libertés, et à convaincre les forces occidentales qu’il est l’alternative en cas d’échec des islamistes.

Il parait d’ailleurs que ses amis islamistes deviennent sa cible préférée, car tout en les courtisant, il multiplie les « Assalamou 3alaykom… » au début de ses discours, et les images de lui faisant la prière à l’étranger ou avec des invités de la Tunisie. Il va même jusqu’à traiter les salafistes de microbes avant de revenir s’excuser !
Il mise donc sur la faillite d’Ennahdha a remonter la discorde entre ses 2 courants rigide et modéré, et en sa capacité de réagir face à la montée des salafistes qu’elle considère comme une base électorale importante et facile à mobiliser.

Il mise aussi et toujours sur l’incapacité de l’opposition à unir ses forces et à présenter une alternative solide et attrayante pour les 70% des tunisiens qui ne veulent pas voter Ennahdha.   

Et surtout, il regarde de loin son parti s’éclater de l’intérieur grâce à la rivalité entre ses dirigeants, en attendant le moment opportun pour revenir en super-héro rassembleur des forces démocratiques.

La force de Marzouki est d’analyser les situations et mettre en place des stratégies mieux que ses rivaux, et il faut espérer que le pouvoir ne fera pas de lui un autre Bourguiba, le père de la nation et l’héro de l’indépendance qui a instauré une dictature de 30 ans.

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