Dr.
Marzouki : un président temporaire ou un prochain dictateur de la Tunisie ?
Arrivé en Tunisie quelques jours après la fuite de Bel Ali,
la 1ère déclaration de Moncef Marzouki était de dire qu’il était venu
pour se présenter aux prochaines élections présidentielles.
On se souvient bien que cette déclaration était très mal reçue
par la majorité des tunisiens qui la voyaient très
mal placée au moment où le
sang des martyrs n’avait pas encore séché.
Depuis, il a été très mal accueilli à Kasserine et à La
Kasba, et il a été qualifié de tous les adjectifs par ceux qui l’avait mal
perçu ou encore ceux qui l’avait craint :
- « Il n’était pas présidentiable ! » : Mauvaise posture, mauvais discours et mauvais goût pour certains. On se rappelle d’ailleurs de toutes les moqueries qui ont circulé sur le net à propos de ses lunettes qu’il a fini par changer, avec à la prime une histoire sur sa fille qui les a acheté de l’Inde parce qu’ils n’avaient pas les moyens pour se payer de neuves ! Et depuis on a bien compris que Marzouki savait raconter des histoires !
- « C’était avant tout au peuple tunisien de choisir son model de démocratie qui n’était pas forcément le model de présidence dans lequel les tunisiens n’avaient plus confiance » : Ce que Marzouki a d’ailleurs très vite compris en changeant sa vision vers un model semi-présidentiel.
- « Il était haté ! » : Cette rumeur qui a beaucoup circulé était le crime impardonnable pour la majorité de tunisiens (d’ailleurs Hamma Hammami en a payé les frais). Depuis, l’actuel président n’a pas arrêté de tendre la main à Ennahdha et n’a pas râté une occasion pour rappeler son soutien aux islamistes quand ils étaient persécutés par Ben Ali. Il a omit bien sûr de dire qu’il n’était pas seul à le faire puisque le PDP, le FDTL (Takattol) et le POCT l’avait aussi fait même quand il n’était plus en Tunisie.
- Selon Maya Jribi, il était « une mode verbale qui allait très vite disparaître » car les tunisiens n’y croiront plus. Ceci montre aussi bien la naïveté et la difficulté de l’élite politique à comprendre le peuple et à juger leurs adversaires, chose que Marzouki avait très bien utilisée en sa faveur.
Une
mauvaise image à remonter et une popularité quasi-nulle :
Moncef Marouki avait quelques mois pour réussir et beaucoup
d’obstacles à remonter à commencer par sa popularité quasi-nulle et son image mal
perçues par beaucoup.
Il avait rassemblé sa petite troupe autour de son parti
méconnu par les tunisiens, y compris ceux qui arrivaient à suivre les coulisses
de l’opposition sous Ben Ali.
Il lui a même créé une histoire de militantisme doublé d’un
objectif de rassemblement des forces politiques.
En bon docteur, il avait bien tâté la popularité d’Ennahdha
et la difficulté qu’avait les autres partis à toucher le reste du peule, et il
s’est malicieusement positionné entre les islamistes et l’extrême gauche, et on
se rappelle bien de ses appels à voter soit Ennahdha, soit le POCT.
Beaucoup alors l’ont traité de naïf, mais Marzouki avait bien
su que la majorité des non-convaincus par les islamistes n’iraient pas voter
Ennahdha, et que le POCT était affecté tant par l’image d’athée qu’on avait
volontairement attribué à Hamma Hammami tant par la mauvaise idée qu’ont les
tunisiens du communisme !
Il se plaçait donc comme l’Alternative au centre de ses 2
options coupant ainsi l’herbe sous les PDP, PDM, FDTL …
La cerise sur le gâteau est que Marzouki était dès lors
perçu par une large frange du peuple comme étant le politicien qui dit la
vérité telle qu’elle est.
Un passé de
militant, mais pas assez !
L’autre contrainte pour Marzouki était son passé de
militant, car contrairement aux Islamistes il n’avait pas passé la moitié de sa
vie en prison, et contrairement aux communistes, il n’avait pas été contrait à
vivre et à travailler en cachette des yeux du pouvoir, et contrairement au PDP,
Ettajdid et FDTL il n’était pas resté en Tunisie pour essayé d’exercer une opposition
qu’il a qualifié de molle.
C’était pourtant lui qui a bâti sa campagne sur l’ancien
militantisme des uns et des autres, en épargnant les islamistes et les
communistes, et en disant que les autres n’avaient pas été forcés à la faim
tant en Tunisie qu’en France.
Il a aussi rappelé ses positions intransigeantes face au
régime de Ben Ali quand il était invité aux plateaux télé en France où à Al
Jazeera. Il était aussi le seul qui a misé sur soulèvement des peuples arabes,
et il faut reconnaître au docteur qu’il fait mieux le bilan politique que tous
ses adversaires.
Enfin, il n’a pas raté une occasion pour rappeler que la
triste célèbre police politique exerçait toujours après la révolution et qu’il
fallait l’éradiquer. Chose qu’il n’a pas fait en tant que président !
Un parti
pauvre boudé par les capitaux !
La dernière contrainte de taille était l’argent. Son parti était
pauvre et les quelques hommes d’affaires opportunistes se sont rués sur les 2
grands partis historiques : Ennahdha et PDP.
Marzouki avait bien transformé ceci en force, puisque sa
campagne était aussi bâtie sur l’intolérance vis-à-vis le financement politique
des partis et des pratiques que faisaient ces partis en distribuant des cadeaux
sur le peuple.
Il a pourtant bien ménagé Ennahdha (parce qu’il n’avait pas
de preuves disait-il ; comme si il en avait sur les autres), et on a bien
découvert après les élections qu’il avait bien accepté la générosité d’un riche
mécène dont la fille fait partie de son staff à la présidence.
Président !
Et après ?!
Pourtant Dr. Marzouki a bien tenu sa promesse : Il est
président grâce à la générosité des vainqueurs, mais grâce aussi à son
intelligence et à sa stratégie qui l’ont classé 2ème au scrutin.
Aujourd’hui, en tant que président, il cultive à l’étranger
son image de président modeste et militant pour les libertés, et à convaincre
les forces occidentales qu’il est l’alternative en cas d’échec des islamistes.
Il parait d’ailleurs que ses amis islamistes deviennent sa
cible préférée, car tout en les courtisant, il multiplie les « Assalamou
3alaykom… » au début de ses discours, et les images de lui faisant la
prière à l’étranger ou avec des invités de la Tunisie. Il va même jusqu’à
traiter les salafistes de microbes avant de revenir s’excuser !
Il mise donc sur la faillite d’Ennahdha a remonter la
discorde entre ses 2 courants rigide et modéré, et en sa capacité de réagir
face à la montée des salafistes qu’elle considère comme une base électorale
importante et facile à mobiliser.
Il mise aussi et toujours sur l’incapacité de l’opposition à
unir ses forces et à présenter une alternative solide et attrayante pour les
70% des tunisiens qui ne veulent pas voter Ennahdha.
Et surtout, il regarde de loin son parti s’éclater de l’intérieur
grâce à la rivalité entre ses dirigeants, en attendant le moment opportun pour
revenir en super-héro rassembleur des forces démocratiques.
La force de Marzouki est d’analyser les situations et mettre
en place des stratégies mieux que ses rivaux, et il faut espérer que le pouvoir
ne fera pas de lui un autre Bourguiba, le père de la nation et l’héro de l’indépendance
qui a instauré une dictature de 30 ans.
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