Friday, February 8, 2013

Mon témoignage sur ce qui s'est passé lors des funérailles du martyr Chokri Belaïd

Je viens de rentrer des funérailles du martyr, Me Chokri Belaïd, où j'ai vécu une journée pleine d'émotions et d’évènements assez étranges :

Comme je suis sorti assez tard de la maison (vers midi) je me suis dirigé directement au cimetière Jallèz, où comme je m'attendais j'ai trouvé une foule énorme.
Déjà, quand j'avançais en voiture devant Jallèz, j'ai pu distinguer les visages de ceux qui sont venus pour dire à dieu à Chokri et eux qui sont venus pour autre chose : des jeunes, ne dépassant pas les vingtaines, qui étaient en groupes et qui mataient les présents et les voitures d'un oeil très suspect.
Tout près de ma voiture, une bagarre a éclaté entre 2 jeunes, et l'un d'eux a brandit un couteau. Leurs amis sont intervenus pour calmer le jeu.
Je dois aussi préciser qu'il n'y avait AUCUN policier aux alentours, ils étaient retirés à droite à 500 mètres avant El Jallèz et à gauche à la même distance.
Heureusement que j'ai stationné la voiture très loin de Jallèz et je suis descendu à pieds avec ma femme.
Avant d'arriver à le cimetière  j'ai croisé pleins de groupes des même jeunes (des jeunes de quartier qui ressemblaient beaucoup à ceux que je vois dans les virages de stades de la capitale). Ils étaient retirés et attendaient! J'ai dit à ma femme qu'ils étaient là pour la bagarre ou pour des braquages et qu'on devait se méfier.
Devant le cimetière il y'avait des milliers de personnes (des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes et même des enfants, beaucoup portaient une écharpe ou un drapeau de la Tunisie).
Nous avons attendu comme tout le monde le cortège funèbre, jusqu'à ce que ceux qui étaient debout sur les murs l'aperçoivent. Et c'est à partir de ce moment que tout a dégénéré :
Les jeunes étaient déjà préparés : Tous en chaussures de sport et joggings, des maillots à capuches et du coton dans le nez! Ils ont commencé à courir vers la police qui escortait le cortège avec des pierres et des couteaux. Ils n'ont pas essayé de cachez leurs couteaux, ils les ont brandit fièrement et de mes yeux j'ai vu une lame de 10 cm au moins.
C'était le debout de 2 heures du jeu "le chat et la souris" : Ils attaquaient, lançaient des pierres vers les policiers qui répliquaient avec des bombes lacrymogène, que les jeunes récupéraient de par terre pour les rejeter vers les policiers et repartir bredouille.
Quand ils couraient, beaucoup faisaient exprès de rentrer dans la foule pour voler les gens qui commençaient à paniquer. J'ai vu une femme se faire voler son sac à main et giflée par un voleur, qui heureusement a été rattrapée par les gens.
Il y'avait beaucoup de personnes qui criaient aux gens de ne pas paniquer et de ne pas courir, jusqu'à e que le lacrymogène nous atteint et que nous avons vu la première voiture se faire brûler.
C'est là que nous (qui assistions dehors pacifiquement) avons rejoint le cimetière en laissant les casseurs se bagarrer avec la police dans la rue entre le cimetière et l’hôpital militaire.
Le gaz lacrymogène avait aussi atteint le cimetière et un mouvement de panique a envahi la foule qui se sont refugiés vers les tombes et sur les toits.
Nous avons assisité avec des centaines de milliers de personnes dans le cimetière à la bagarre qui s'est déroulé dans la rue. Ils n'étaient pas quelques dizaines de casseurs, mais au moins 500.
La police attaquait avec les camions avant de repartir bredouille et laisser les casseurs avancer encore une fois. Le spectacle a duré ainsi au moins 2 heures.
De temps en temps, les policiers lançaient leurs bombes de gaz directement dans le cimetière au milieu de la foule, créant la panique, alors que plusieurs personnes criaient aux gens que c'était pour leur faire peur et qu'ils voulaient qu'ils partent.
Tout le monde avait les larmes aux yeux (à cause du gaz) mais le courage de continuer était là et la foule n'a pas arrêté de chanter l'hymne national et plusieurs slogans anti-pouvoir, anti-Ennahdha et surtout anti-Ghannouchi. On voit aussi une fumée immense et nous avons su que des voitures étaient brûlées.
Finalement, le cortège funèbre est arrivé sous l'hymne national et les "Allah Akbar".
En sortant, le spectacle était vraiment désolant : des milliers de pierres dans la rue, une dizaine de voitures brûlées et des patrouilles de force de l'ordre qui s'organisaient pour poursuivre les casseurs dans les rues voisines. C'était digne des images d'après guerre!
J'ai finit par retrouver ma voiture saine et sauve, mais dans la panique (à l'entrée du cimetière  on m'a volé mon téléphone, un Samsung Nexus.
Le personnel de l'hôpital militaire qui étaient bien placés pour voir tout le spectacle peuvent nous fournir les meilleures vidéos sur ce qui s'est passé aujourd'hui.
Je ne sais pas si toute cette violence était planifiée, mais je peux certifier quelques vérités :
Ce n'était pas quelques milliers qui ont tenu à accompagner Belaïd à sa dernière demeure, mais plusieurs centaines de milliers : C'est la marche millionnaire que d'autres ont voulu organiser, et çà en fait des zéros virgules en comptant! Le martyr a eu les funérailles qu'il mérite.
Les activitistes de gauche, et autres citoyens venus dire adieu à Belaïd (comme ma femme et moi) ont étaient exemplaire de discipline et de courage. Aucun n'a participé à la bagarre, et ils avaient tous eu le courage pour continuer jusqu'au bout. çà fait du baume au coeur!
Les casseurs étaient venus pour casser, la police auraient dû utiliser la prévention pour ne pas les laisser arriver au cimitière. Après tout, si moi j'ai pu deviner leur motivation, eux ils l'auraient pu aussi!
Ali Laârayed les a attendu de derrière cette fois-ci, mais pas de bol, car ils étaient là devant le cimetière!







No comments:

Post a Comment